my life isn’t a game.des prunelles brunes, un sourire semblable à un ange et un chuchotement pour annoncer mon nom : Lucas.
Erreur, les potes, moi, c’est Luce. Oui, ok, c’est vrai, y a pas grand chose qui change entre ces deux prénoms si ce n’est le sexe. D'homme, je suis passé à femme. Enfin, avant ça, j’ai fais plein de chose comme avoir manqué de peu d’être l’une de ses petites bourgeoises qui s’inquiètent de leur prochaine manucure. Ouaip, rien que ça. Mais attendez ! C’est pas tout ! Allez-y, prenez votre petit café, je vous raconte ça.
Je suis née ici, à New-York et je suis effectivement né garçon. Mes parents ont bien choisi Lucas comme prénom, mon père était des plus heureux d’avoir un p’tit gars, un p’tit bonhomme à qui il faudra apprendre à lancer la balle de baseball.
Try again daddy. Du plus loin que je me souviennes, j’ai toujours été du genre à essayer les talons vertigineux de ma mère, essayer de marcher avec —une torture, mais j’y retournais à chaque fois— Je vois encore les yeux ronds comme des soucoupes de mon père, la lèvre inférieure tremblante de colère. Ah oui, mon vieux, il détestait quand je me retrouvais sur —soyons honnête— des échasses de 10cm. Non, il n’était pas en colère parce que je risquais de me briser une cheville ou pire ! La nuque. Non, il était en colère parce que c’était, je cite « un truc de fille » pauvre con.
Attendez, le meilleur reste à venir.
Quand j’ai grandi, c’était encore plus drôle puisqu’en plus d’essayer les chaussures de ma mère, j’essayais aussi ses robes. Et je me trouvais belle. Mon vieux en devenait fou. Ma mère aussi a commencé à s’inquiéter. Je me souviens même qu’elle m’avait emmené voir un médecin. Quoi, t’as peur que ça s’refile ? Vous imaginez bien que le médecin a dû se tordre de rire quand on est sortis de son bureau. Pour lui, c’était juste une lubie, rien de plus.
Perdu.
Finalement, en grandissant encore, mes parents m’ont envoyé au fin fond de… Nashville. Un internat ou j’arrivais toujours à trouver un moyen de me faire la malle le soir pour aller m’amuser avec des potes. Ce qui me valait retenues sur retenues, mais ça c’est un détail. Alors j’ai commencé à dérailler. Au début, c’était minime. Une bière par-ci, une tequila par-là. Parfois un petit joint. Et pis c’est parti en couille. Une première fois arrêtée à l’âge de quinze ans parce que j’étais ivre. Et comme si ça ne suffisait pas, j’avais fait du rentre dedans à un flic en civil.
Erreur de débutante.
A dix-sept ans, je suis revenue une première fois à New-York, dans l’espoir que mes parents daignent me regarder autrement qu’avec dégoût. Eh ben devinez quoi ?
Encore perdu.
Il n’y avait que haine et dégoût dans leurs regards et leurs paroles. Pire encore ! Ils n’hésitaient pas à m’afficher dans la famille. J’étais le sale gosse que personne ne voulait approcher. Putain de bourges. J’ai rapidement fait mes valises un soir et j’ai pris le premier avion dispo pour retourner à Nashville. Payé aux frais de la princesse, évidemment. C’est là que j’ai finalement décidé de faire ma transition. Alors Lucas a disparu à tout jamais pour devenir Luce. Ouais, p’t’être un manque d’inspiration quand on m’a demandé le prénom que je voulais. Ou alors, dans l’fond, je ne voulais pas oublier Lucas.
Une fois que Luce était là, ça a pourtant été la débandade à Nashville. J’ai commencé à bosser comme serveuse dans un bar miteux.
Alcoolisme bonjour ! Et mes fréquentations étaient des plus mauvaises.
Salut la droguée !Après une énième arrestation, je suis revenue à New-York, dans le Bronx mais cette fois-ci, j’étais incognito.
Personne ne connaissait Luce.
Luce devait faire semblant de ne connaître personne.
Luce a commencé sa vie. Je suis devenue institutrice dans une maternelle, j’adore tellement les enfants, les voir et les aider à s’épanouir.
Bitch, c’est tout ce que t’as loupé. Mais j’ai gardé mes travers pour les soirées les plus secrètes auprès des South Bronx.